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SOFIA QUEIROS
sommes nous

"et la femme prise dans un étau parlant peu de honte
et de chagrin mais de plantes arbustives rejets sur les
bords des chemins et de jardins"

"et la cafetière qui soufflait le matin et que le père saisissait avec force versait fil dans le bol de quoi s'éveiller même mort et enterré

et les objets entassés comme butin de vie à la mort d'un qu'on chérissait se perdaient dans les mains fragiles d'un autre qu'on ignorait"


SOFIA QUEIROS
normale saisonnière

"Scattered showers will develop by the afternoon.

C'est dans un bel attelage qu'elle s'en va frapper à la porte d'un homme triste. Il se tient debout devant elle la tête légèrement penchée en avant comme pour la cogner du front. Ses yeux s'étendent démesurément vers les tempes. Il déforme son visage en voulant lui sourire. Elle aperçoit derrière son dos une ombre vive qui semble s'accrocher à lui désespérément. L'homme n'a que faire des grèves d'éboueurs et des élections. Il entasse depuis temps dans sa cour intérieure des rimes embrasées qui touchent à l'infini."

"Showers largely dying out through the evening and becoming
mostly dry overnight.

Toutes les nuits elle allume une bougie blanche. Elle respire l'odeur de la cire qui fond. Elle suit du regard les tremblements du halo de la petite flamme sur le mur blanc.
Ce soir la radio joue un air allegro.
Derrière la grille en fer forgé de sa porte les lampadaires rendent visible l'air.
Une silhouette aussi dansante que le feu flotte sur la chaussée. Ses cheveux caressent le bitume.
Elle ne se souvient pas quand, a-t-elle vu d'aussi léger.
Une nuit d'ailleurs grise."



SOFIA QUEIROS
et puis plus rien de rêves

"Je passe en revue les images empilées.
Ici la maison brûle. Je suis seule et désemparée. Celui que
j'aime a foutu le feu, puis le camp.
Ici c'est un jour de petite gloire, un sourire bien mérité. La
jupe à volants rose fuchsia que je porte vole et j'ai sur le
visage une orchidée.
Puis ici, encore dans la maigreur du chagrin d'amour.
Là les figures en contre-jour se font brouhaha.
Je suis sensible au bruit et à la lumière, aux mots éparpillés
dans les rayons du soleil, au petit martèlement qui sort de la
fenêtre du voisin."


SOFIA QUEIROS
Carabines

"Cette insolence presque candide de vivre. À grands éclats. Quand si peu de chaussures du monde dansent.
Quand des amourettes grises s'entassent dans une boîte aux lettres. Que le manque d'air. Je pense que je m'en vais plutôt mais vers un autre lieu.

Sortir mes carabines
délier mes pas."


DOMINIQUE QUELEN

La page Dominique Quélen sur Lieux-dits

PASCAL QUIGNARD

La page Pascal Quignard sur Lieux-dits

NATHALIE QUINTANE
Tomates

 "Le fascisme, c’est aussi vestiges, restes, habitudes, incohérences – cinq ans, vingt ans après. Ou un pressentiment, dix ans, un an avant. Rend le monde poreux. Montent alors les signes d’un temps sombre que tu apprends à lire et reconnais en descendant lentement, comme Alice dans son puits très profond découvre qu’elle a le temps de regarder autour d’elle et de se demander ce qui va se passer. Souvent tu frottes tes yeux, pour accommoder, car le fascisme en ses débuts ou en sa fin n’est pas sûr. "


NATHALIE QUINTANE
Un oeil en moins

"Bergen, Berlin, Rio, Paris – et la province française.
Des gens s’assemblent, discutent, écrivent sur des murs, certains tapent dans des vitrines.
En échange, on leur tape dessus, on les convoque au tribunal et, à l’occasion, on leur ôte un œil.
C’est la vie démocratique.
Alors, je me suis dit : Tiens, et si, pour une fois, je sortais un pavé ? "

 

HORACIO QUIROGA

HORACIO QUIROGA
Le désert

Traduction de l'espagnol (Uruguay) de François Gaudry

 "Longeant au plus près la forêt à fleur d’eau, le rameur avança encore un moment. Les gouttes tombaient maintenant plus denses, mais plus intermittentes. Elles cessaient brusquement, comme venues on ne sait d’où. Puis elles reprenaient, lourdes, solitaires et chaudes, avalées par l’obscurité et la dépression atmosphérique. "

 


HORACIO QUIROGA
Anaconda

Traduction de l'espagnol (Uruguay) de François Gaudry

"Je remontai donc le Parana jusqu’à Corrientes, trajet que je connaissais bien. De là à Posadas le pays était nouveau pour moi et j’admirai comme il se doit le vaste lit du grand fleuve, lent et argenté, avec sur tout le parcours des îles empanachées de roseaux ployant sur l’eau comme d’immenses corbeilles de bambous. Et les taons, par milliers. Mais de Posadas à la fin du voyage, le fleuve changea singulièrement. Au lit calme et plein succédait une espèce d’Achéron lugubre, encaissé entre des falaises sombres hautes de cent mètres, au fond desquelles courait le Parana, soulevé par des tourbillons d’un gris si opaque, qu’au lieu d’eau il semblait presque fait de l’ombre blafarde des murailles. On perd jusqu’à l’impression même d’un fleuve, car à chaque instant les sinuosités incessantes du cours coupent la perspective. Il s’agit en réalité d’une suite de lacs de montagne, enfoncés entre de tristes murs d’arbres, de basalte et de grès noir."

 


HORACIO QUIROGA
Au-delà

 "Pendant quelques secondes nos regards soudés l’un à l’autre dans une terrible fixité, firent apparaître, comme sur le fil du destin, d’infinies histoires d’amour, tronquées, renouées, brisées, ressuscitées, vaincues et finalement enfouies dans la frayeur de l’impossible. "


 

HORACIO QUIROGA
Contes d'amour de folie et de mort

"L’homme marcha sur quelque chose de mou et sentit aussitôt la morsure à son pied. Il bondit en avant et, en se retournant, il vit en jurant une yararacusu qui, enroulée sur elle-même, attendait une autre attaque. L’homme jeta un rapide coup d’œil à son pied, où deux gouttelettes de sang grossissaient péniblement, et sortit sa machette de sa ceinture. Le serpent vit la menace et enfonça davantage la tête au centre même de sa spirale ; mais le dos de la lame tomba, lui disloquant les vertèbres."